Après l’histoire de Hammou Gaouar (1843 - 1896), le patriarche fondateur, et celle de son fils Djelloul (1896 - 1994), extraites du livre de Bougherara Hadri, « Les derniers cèdres de Tlemcen témoignent » paru en 2001 chez L’Harmattan,
Mustapha devant son premier camion publicitaire, à Casablanca, en 1960.
voici, brièvement contée, l’épopée de Mustapha Gaouar (1927-2004), qui s’installa au Maroc en 1956 et de là donna une dimension internationale à l’entreprise familiale.
Nous sommes en 1956, l’Algérie est en pleine guerre. Un climat qui ne profite pas forcément aux affaires. Les Gaouar, comme tout le pays, voient leur commerce à Tlemcen fondre. Mais, depuis maitenant trois générations, la torréfaction de café est une affaire d’honneur.
Mustapha, le fils de Djelloul, refuse d’accepter cette fatalité. Il prend son bâton de pèlerin et part prospecter l’étranger, une mission de plus en plus difficile depuis que la guerre a enflammé le pays. Les déplacements se font ainsi plus rares et courts, car l’Algérie française a quasiment fermé ses frontières, avec des points de passages situés de sorte à contrôler les mouvements transfrontaliers. Ainsi, les conditions de passage sont désormais pénibles au poste frontière de la ville de Oujda (Maroc), le plus proche de Tlemcen.
Mais, Mustapha est jeune et fort. À l’âge de 29 ans, il a déjà à son actif une carrière sportive éclectique. Tour à tour, il a été joueur de football sélectionné à maintes reprises dans l’équipe nationale d’Algérie et une double expérience de boxeur et catcheur, ainsi que plusieurs trophées de bridge, de ski nautique et de golf…
Pour Mustapha, la prospection de clients et fournisseurs étrangers apparaissait la seule façon de perpétuer la tradition familiale du café. Mustapha entreprend ainsi de faire le voyage en Italie. Au Maroc, passage obligé, le climat est autre. Le pays vient d’accéder à l’indépendance, il est en pleine construction économique. Les Algériens y sont accueillis en frères par le Roi Mohammed V.
Mustapha découvre ainsi avec satisfaction ce pays voisin où tout reste à faire. Il n’ira jamais en Italie et se fera rejoindre par sa famille au bout de quelques mois. Le Royaume le touchera au plus profond de son cœur, une passion qui le conduira à vivre, comme il le disait « les meilleurs moments de sa vie au Maroc ».
Djelloul, à la longue expérience, encourage son fils à délocaliser le savoir-faire familial au Maroc. Rapidement, Mustapha se développe et rachète toutes les entreprises concurrentes. De la même façon qu’à Tlemcen, Oujda devint vite trop petite pour lui. Il met le cap sur Casablanca, qui deviendra la plate-forme de son grand succès : depuis Caablanca, Gaouar devient une marque de café de renommée mondiale.
Précurseur et vsionnaire, Mustapha Gaouar se paie même le luxe d’introduire au Maroc des technologies de pointe, bien avant que celles-ci ne soient utilisées en France. C’est le cas de l’ensachage sous vide. Pour la première fois, on pouvait consommer un café moulu à fort potentiel de conservation sans que celui-ci ne perde ses qualités gustatives.
En avance sur son temps et sur son marché, et pour conjurer tout risque de désaffection des consommateurs, la marque Gaouar s’offre aussi une grande campagne médiatique pour promouvoir ses produits auprès du grand public des consommateurs. Ainsi, elle sera l’une des premières à utiliser
l’affichage urbain, moyen de communication alors à ses débuts.
La qualité des produits, conjuguée aux campagnes publicitaires innovantes, font l’effet d’une bombe sur le marché : les Marocains ne boivent plus simplement du café, mais du Gaouar !
2004 : Adieu et merci, le Maître !
Il paraît que la mort murmure à ceux qu’elle a eu de la peine à vaincre de préparer leur départ. Sans le savoir, ils agissent comme s’ils étaient pris par le temps, achèvent leurs affaires et prodiguent leurs conseils.
Feu Mustapha Gaouar est parti le 9 janvier 2004, soit dix ans après son père Djelloul Gaouar. Une coïncidence nécrologique qui rappelle étrangement le destin, fait de tradition et de transmission de cette famille presque deux fois centenaire dans la torréfaction de café.
Son œuvre, elle, restera gravée à jamais, pour sa famille qui a le café dans les veines, certes, en Algérie ou le reste du clan en est à sa quatrième génération de torréfacteur, mais peut-être restera-t-elle encore plus gravée dans les cœurs des Marocains. Car entre Mustapha Gaouar et le Maroc, c’est un coup de foudre qui s’est transformé en une passion longtemps nourrie.
Comment ce fils de grande famille algérienne a-t-il réussi à associer si fort son nom au Maroc ?…
On se rappellera toujours de son regard rêveur, mais aussi de sa rage de vaincre et de son sourire, la tête légèrement en retrait, et la gestuelle affirmée à la manière du lutteur qui fait observer à son vis-à-vis son expérience, celle de la vie. Adieu et merci, le Maître !
http://institutmustaphagaouar.org